Le patrimoine génétique des cancers

Les cancers sont liés, de manière (quasi) certaine, à des mutations dans le code génétique. A force de se diviser encore et encore, à force de vieillir, l'ADN des cellules s'altère, et des erreurs, par ci et par là, apparaissent. A vrai dire, à chaque division cellulaire, plusieurs mutations apparaissent. Heureusement, plusieurs raisons font que ces mutations n'entraînent pas de formation de tumeur :

  • La plus grande partie de l'ADN est "non-codante" : elle ne contient pas d'information génétique : une modification de l'ADN non codant n'a donc aucune conséquence
  • Certains modifications de l'ADN codant sont insignifiantes, et n'occasionne aucun changement dans le fonctionnement des cellules
  • Certaines modifications de l'ADN sont tellement significative, que la cellule meurt
  • Certaines modifications sont significatives, mais tout un tas de protéines régulatrices "réparent" les erreurs, et tout continue correctement.
On pourrait bien sûr détailler durant des heures, des vies entières chacun de ces points, parler du rôle du système immunitaire, parler de sénescence de certaines cellules, d'apoptose... Mais je voulais en venir ailleurs.

Les chercheurs s'interrogent souvent sur le nombre minimal de mutation nécessaire pour qu'une cellule évolue en cancer. Il semblerait que le nombre soit assez restreint. Un article récent paru dans Science parle d'un nombre moyen de 11 mutations pour les medulloblastomes (cancer du cerveau chez les enfants), soit 5 à 10 fois moins que dans la plupart des cancers d'adultes. Même si c'est relativement peu, il faut bien imaginer que cela correspond à des mutations bien précises dans des gènes bien précis, et donc que la plupart d'entre nous serons concernés par des cancers qu'en toute fin de vie.
Cette quête aux mutations nécessaires et suffisantes pour obtenir un bon cancer est un travail formidable, qui aura forcément comme conséquence la mise au point de chimiothérapies efficaces, et ciblées contre ces quelques gènes défaillant.
Mais je me suis souvenu d'une image que l'on m'avait présenté à la fac. Un caryotype d'une cellule cancéreuse.
Alors voilà, côte à côte, un caryotype de cellule saine, et celui d'une cellule cancéreuse :
             

Vous reconnaissez sans doute le caryoptype normal à gauche, avec ces 22 paires de chromosomes (plus les X et Y). Et celui de droite, d'une cellule de tumeur du sein : jusqu'à 7 chromosomes identiques au lieu d'une paire, certains tronqués, d'autres au contraire très longs... Ce qu'il s'est passé ? une absence totale de régulation lors de la réplication de l'ADN dans la cellule cancéreuse. A partir de quelques mutations, bien mal tombées, on finit par obtenir un patrimoine génétique délirant. Et à chaque division cellulaire, cet "anarchisme" génétique évolue encore, avec de nouvelles mutations... 
D'où la difficulté de les combattre... Imaginer que les cellules cancéreuses sont comme des cellules saines, mais ayant acquises juste quelques caractéristiques supplémentaires les ayant rendues agressives semble négliger cette pagaille génétique, et ces mutations permanentes... Mais quelle autre approche pour la recherche médicale ?

Sources :


2 commentaires:

  1. Les anomalies du caryotype sont quasiment secondaires dans l’histoire, ce qui est embêtant c’est l’activation de certains gènes comme la télomérase, l’inactivation de certains autres comme P53.

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  2. Martin T. (l'auteur)15 avril 2011 à 18:22

    Ce que je voulais montrer avec ce caryotype délirant, c'est l'absence (totale) de régulation, liée par exemple à l'inactivation des p53... Et insister sur le caractère complètement anormal du "patrimoine génétique" des cellules cancéreuses. Quant aux télomérases, j'espère bien poster un message dessus dans les jours qui viennent...

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