Mme Déjantée, (alias Mme Pourquoi) m'a posé cette question, du lien entre la dépression du post-partum et l'allaitement, suite à un billet du site infobebe.com, relayé par Titeve sur son blog, s'intitulant ; "Allaiter cause le Baby-blues ?"
Alors j'étais déjà parti dans une critique virulente du sensationnalisme de ce type de site (infobebe.com, famili.fr et compagnie), quand, longue discussion autour d'un bon verre de vin en vacances aidante, nous en sommes arrivés à une conclusion commune : il y a un fossé abyssal entre d'une part les publications scientifiques sur la "périnatalité" (depuis la grossesse, jusqu'à l'allaitement, en passant par les nuits des bébés, les accouchements et j'en passe...) et la façon dont ces travaux sont relayés sur internet, ou dans des magazines de parents.
N'étant pas médecin, ou épidémiologiste, je ne suis pas forcément le mieux placé pour devenir ce chaînon manquant, mais je souhaite quand même apporter ma pierre...
Alors, l'allaitement et la dépression du post-partum (DPP pour les intimes)?
Déjà, il ne faut pas confondre baby-blues et DPP. Le baby-blues survient dans les tous premiers jours après la naissance, dure peu de temps (moins d'une semaine), et concerne la moitié des femmes. La DPP, c'est une véritable dépression au sens psychiatrique du terme, arrive plus tard (1 ou 2 mois après) et peut durer plusieurs mois, voire années. Bon, ça, c'est dit.
Infobebe.com s'est inspiré d'une étude scientifique à paraître dans un numéro d'août 2011 de la revue "Obstretics and Gynecology", qui traite du lien entre des difficultés premières dans l'allaitement et la DPP, 2 mois plus tard. (Rien à voir donc avec le baby-blues du titre d'infobebe.com !). Un vrai article, assez intéressant, mais qui ne traite pas du lien direct entre allaitement et DPP ! Pour cela, on peut par exemple parcourir ce document du National Institut of Health américain, sur les conséquences de l'allaitement sur la santé de la mère et l'enfant. [Pour aller jusqu'au fond des choses, il s'agit d'une méta-analyse, c'est-à-dire qu'un groupe de travail a relu et compilé des milliers d'articles sur le sujet, pour en tirer des renseignements et des résultats (enfin) très fiables.] Et le constat est clair (et en anglais) :
"Early cessation of breastfeeding or not breastfeeding was associated with an increased risk of maternal postpartum depression."
Traduction : "Une cessation précoce de l'allaitement ou l'absence d'allaitement est associée à l'augmentation du risque de DPP".
Attention, cette affirmation vaut pour le cas général, et non le cas particulier de chacune des jeunes mères ! Ce que je veux dire par là, c'est que ce résultat n'est véritablement intéressant que dans le cadre de choix de politique de santé publique : La recommandation des autorités sanitaires devrait alors être : "privilégier l'allaitement, afin d'éviter un certain nombre de DPP".
Bon, revenons à nos moutons et à ce fameux article d'une équipe de recherche de l'université de Caroline du Nord. Déjà, le voici, en pdf et en anglais...
En le lisant attentivement ( et pour ceux qui ne sont pas familier du "style" de ces articles, il suffit déjà de lire le résumé), on voit que les conclusions sont assez claires :
Attention, cette affirmation vaut pour le cas général, et non le cas particulier de chacune des jeunes mères ! Ce que je veux dire par là, c'est que ce résultat n'est véritablement intéressant que dans le cadre de choix de politique de santé publique : La recommandation des autorités sanitaires devrait alors être : "privilégier l'allaitement, afin d'éviter un certain nombre de DPP".
Bon, revenons à nos moutons et à ce fameux article d'une équipe de recherche de l'université de Caroline du Nord. Déjà, le voici, en pdf et en anglais...
En le lisant attentivement ( et pour ceux qui ne sont pas familier du "style" de ces articles, il suffit déjà de lire le résumé), on voit que les conclusions sont assez claires :
- Les difficultés de l'allaitement dans les premiers jours (douleurs mammaires sévères le premier jour, la première semaine, ou la seconde), ont une influence négative sur la survenue de DPP deux mois après. [Encore une fois, à l'échelle d'une population générale ! Ce n'est pas parce que vous avez mal aux seins lors des premiers jours, que vous allez faire 2 mois plus tard une DPP !!]
- Parmi les femmes rencontrant des difficultés, celles qui ont bénéficié d'une aide à l'allaitement ont eu moins de DPP que les autres.
La conclusion générale, c'est quoi ? C'est que les femmes qui souhaitent allaiter doivent être soutenue par leur entourage, et spécialement en cas de difficulté (et ça, c'est pas une nouveauté !) Et que celles qui souffrent les premiers jours doivent pouvoir être prises en charge rapidement si des symptômes de dépression semblent se manifester.
Tout ça pour ça ?
Ce qui est intéressant ici c'est le lien entre une expérience très précoce après l'accouchement et la DPP bien plus tard. Mais cela pose une autre question : les débuts de l'allaitement sont pratiquement toujours douloureux... Alors qui est à risque ? En relisant bien, on se rend compte que ce qui prime dans l'article en question, c'est avant tout la perception de la douleur et de l'allaitement par la jeune mère, et non les seuls symptômes physiques... Ce qui pose la question du travail de dépistage du personnel soignant.
Bien eu raison de te refiler le bébé!!! Tu m'éclaires, comme toujours, et j'espère que tu en éclaireras plein d'autres!!!
RépondreSupprimerTendrement, Mme Déjantée...
un très bon article. le manque d'informations du personnel soignant dans les maternités est parfois très alarmant. Pour avoir accoucher dans 2 mater différentes, j'ai vu des lacunes dans les 2. L'aspect psychologique de l'accouchement n'est jamais abordé. Lorsqu'une mère pleure à la naissance de son enfant, on les caractérise forcement de larmes de joie, alors que parfois il s'agit bien d'un mal être, même passagé.
RépondreSupprimerHé bien, bravo M. Déjanté, un article intéressant et documenté! Vivement vendredi prochain pour un nouveau vendredi intello!
RépondreSupprimerIl faut avouer qu'aujourd'hui la jeune maman est presque forcée à allaiter. Moi je n'étais pas spécialement motivée. Je reprennais le travail 12 semaines après l'accouchement alors je ne voyais pas le mal. mais je me suis fait incendier par les sages femmes. Quand je réclamais un biberon je récoltais des regards méprisants. J'ai allaité. C'était bien. Mais voilà ce n'est pas la chose la plus merveilleuse qui soit dans mon cas. C'était chouette, mais les premiers gazouillis et les calins aussi étaient chouettes. Bref pour moi la vie d'un bébé et d'une maman ne se résume pas à l'allaitement. Heureusement. Je ressens surement cela car je n'ai moi même pas été un bébé allaité.
RépondreSupprimerHm, ayant fait une jolie DPP (heureusement terminée), j'avoue que la perspective de l'arrêt de l'allaitement avec la reprise du travail m'a beaucoup angoissée et n'a évidemment pas aidé !
RépondreSupprimerSuper article !
Oui elle a eu raison Mme Déjantée ;)l'allaitement ne va pas de soi et il faut soutenir les mamans que la douleur et la difficulté soient physiques ou psychiques ou les deux à la fois. Je suis bien d'accord il y a de quoi se poser des questions quant au regard (et aux actions!) des soignants sur cette question.. Y'a du boulot!
RépondreSupprimerLa mère cane, c'est marrant quand tu parles d'être forcée à allaiter car moi j'ai presque ressenti le contraire, non pas à la maternité où c'est vrai on est plutôt encouragée à le faire, mais par mon entourage qui m'a poussée à arrêter. Chaque femme et chaque allaitement sont différents, je connais aussi des femmes qui comme toi ont vécu l'allaitement en étant juste contente, et non pas carrément comblée. Par contre, je n'ai pas été allaitée, comme toi. Mais je me rappelle, petite, ça m'avait fait très bizarre quand je l'ai su, et depuis j'ai gardé ce sentiment en moi, c'est peut-être pour ça que je voulais tant allaiter !
RépondreSupprimerSi, avant toute chose, les jeunes mères étaient entourées de gens bienveillants (corps médical et amical) et non pas le plus souvent culpabilisants, pressés et péremptoires, dans l'accompagnement de la première année, je pense qu'on n'aurait plus besoin de tenter de trouver des causes à la DPP. Etre à l'écoute des mères, dans leurs angoisses justifiées ou non, dans leurs questionnements, les accompagner dans leurs tâtonnements, c'est ce qui manque cruellement.
RépondreSupprimerMerci à toutes pour ces commentaires... La blogosphère scientifique n'est pas aussi loquace...
RépondreSupprimerCe qui est saisissant, à travers vos témoignages, c'est le lien que vous faites quasi systématiquement entre les contraintes subies à propos de l'allaitement (par les soignants, ou l'entourage) et vos difficultés psychologiques, de la déprime à la dépression...
Et j'espère que l'appel que vous faites sera un jour entendu par les équipes soignantes...
Bravo M. Déjanté ! Super article, qui entraîne une petite question : est-ce que ce ne serait pas la sensation d'avoir "raté" son allaitement après des débuts difficiles ( arrêt précoce et non souhaité, obligation de passer à l'allaitement mixte... ) qui aiderait au développement de la DPP ?
RépondreSupprimerexcellent article, j'ai appris plein de choses (et maintenant je flippe)
RépondreSupprimerPas évident de savoir comment nourrir son enfant. Pour certains, c'est une évidence (Pour Monsieur Tayiam, il ne voit pas d'autre manière que l'allaitement maternel), pour d'autres, c'est un questionnement (Moi, de mon côté, je stresse beaucoup, j'ai peur d'avoir mal mais j'ai aussi peur de rater quelque chose si je n'essaie pas, je me pose mille questions !).
RépondreSupprimerQuoi qu'il en soit, le choix des parents devrait être soutenu par l'entourage tant médical que familial. Mais, l'idée doit encore faire son chemin, chez certains, j'ai l'impression.
Très bel article, en tout cas ! :-)