La chimie organique pour les nuls (et pour les réticents)...

Ca fait des mois que je pense à faire quelque chose sur la chimie organique, qui a occupé au moins 5 ans de ma vie à plein temps...Alors, il faut bien que je me lance. La chimie organique, c'est chiant, c'est une suite de réaction à apprendre par coeur, c'est fait par des chimistes aux blagues fumeuses, qui s'amusent à fabriquer du GHB, du LSD, ou des explosifs dès qu'ils ont 5 minutes.[Pour avoir fait ma thèse avec eux, en ayant déjà deux enfants, donc forcément dans une dynamique profondément différente, j'en ai bavé] . Mais j'y peux rien, la chimie organique, ça m'a plu, ça me plaît. Et puis moi, les réactions, je les ai jamais beaucoup apprises...
Parce qu'en fait, la chimie orga, ça peut se comprendre. Oui oui, on peut comprendre, réfléchir et pas seulement apprendre une grande liste de réaction.(Si, pour le fun, cliquez sur le lien, pour voir ça, c'est trop drôle quand on peut prendre suffisamment de recul...). Et je vais essayer de vous le prouver.

D'abord, une petite question vocabulaire : durant ce qui va suivre, je vais faire preuve d'anthropomorphisme poussé. (Comme les autres chimistes qui n'en n'ont pas toujours conscience) : Tels électrons vont attaquer cet atome, qui est en manque. Tel autre atome a trop d'électrons, donc il s'en débarrasse, etc...

Maintenant, simplement, et rapidement, les bases.

  • Les liaisons entre les atomes au sein d'une molécule sont constitués de 2 électrons qui ne sont plus localisé autour d'un seul des 2 atomes, mais localisé entre les deux atomes. [Pour les puristes, la fonction d'onde qui décrit l'électron n'est plus une "orbitale atomique" (solution de l'hamiltonien pour 1 atome), mais une "orbitale moléculaire", combinaison linéaire d'orbitale atomique)]
  • Ces liaisons peuvent être polarisées : Il n'y a aucune raison que ces électrons entre les 2 atomes soient, en moyenne, pile au milieu. Si les 2 atomes sont différents, ou ont un environnement différents, ils vont plus ou moins attirer les électrons de la liaison, créant un déséquilibre dans la liaison (un des 2 atomes va ainsi être "appauvri" en électron, l'autre "enrichi"). [il est facile de comprendre les règles qui permettent de prévoir la polarisation des liaisons, on verra sans doute des exemples par la suite]
  • Certains atomes gardent des électrons pour eux, sous forme de groupe de 2, appelés doublets non liants : ces électrons ne servent pas à faire des nouvelles liaisons, mais sont suffisamment peu liés au noyau pour pouvoir interagir avec le reste du milieu (avec d'autres molécules par exemple)
  • Le nombre de liaisons que fait un atome en condition normale est assez figé : 4 pour le carbone, 3 pour l'azote, 2 pour l'oxygène, 1 pour l'hydrogène
  •  Lors d'une réaction chimique, ce sont les électrons des liaisons, ou des doublets non liants, qui vont "attaquer" des atomes de l'autre réactif.
Bon, on va s'arrêter là pour l'instant. Un exemple tout d'abord, et en image !


Bon, on va faire la traduction (il faut imaginer un carbone lié à 2 hydrogène là où vous voyez un angle dans la molécule). 
La première molécule, c'est de l'éthanol, et un carbone est lié à un oxygène, qui a 2 doublets non liants (les traits de part et d'autre du "O"). Cet oxygène, est, comme toujours, avide d'électron, et récupère en grande partie les électrons de la liaison avec le carbone. Il est donc super riche en électron, et ceux-ci se sentant un peu à l'étroit, vont attaquer un autre atome, qui est beaucoup plus pauvre : le carbone relié à un atome d'iode de l'autre molécule ! Oui, parce que cet iode, lui aussi récupère les électrons de la liaison avec son voisin, qui se retrouve appauvri ! Alors, ni une ni deux, pif paf pouf, voilà l'oxygène qui s'est lié au carbone de la seconde molécule, l'iode s'est barré avec les électrons de liaison. on obtient les 2 produits de la première ligne.
Mais je vous ai dit déjà que l'oxygène voulait plein d'électrons. Et le voilà chargé +, parce qu'il les partage avec trop d'atomes !! Pas de problème, l'hydrogène, il s'en fout de ne plus en avoir, des électrons, alors il se retrouve H+, tout nu, et on obtient de l'éther ! (pour l'histoire, c'est la synthèse deWilliamson, 1850)


Là, on va se la jouer interactif... Dites moi si je continue, ou si je suis en train de vous confirmer que la chimie orga, c'est pas pour vous...

8 commentaires:

  1. Beuh, mais il a fait quoi là le prof? (Continue quand-même....)

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  2. J'adore! On dirait la serie Dallas avec des atome à la place des gens et des électrons à la place du fric... vite le deuxième épisode!

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  3. Ah, ça me rappelle mes jeunes années de prépa’ !
    La suite, siouplay =) !

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  4. Continue, ça fera plaisir à mon pote chimiste (un pro de la synthèse orga), et peut-être que dans le lot il y aura un étudiant perdu à qui tu montreras la voie :p

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  5. Heu, je dirais la suite s'il vous plait, histoire de me confirmer que la chimie orga ça n'est toujours pas pour moi ;) (ou alors, déclic miracle au cours du deuxième chapitre)

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  6. Bon, déjà ton précédent billet, je voulais commenter et pis je l'ai pas fait (trop de choses à dire, et je me suis dit qu'on en parlerait en vrai:) mais là, LA, je ne peux pas résister!!
    Je commence par la fin, oui, je souhaite que tu continue, on ne sait jamais, peut être qu'on finira par me récupérer, moi le nul et réticent à la chimie orga. Quoique, réticent, finalement, je sais pas trop...en fait je comptais te demander des références de M Lehn, pour voir ce qu'il en dit (ça m'intéresse drôlement, mais pour te situer le niveau de notre formation, je n'en ai JAMAIS entendu parler pendant mes études. La première fois, c'était sur les docs d'accompagnement de première S de feu l'ancien programme...).
    Bref, en te lisant, ça m'est revenu, comme un flash! Tout ce que tu décrivais dans ton précédent billet, je le ressentait un peu: ça fait moins rêver que l'astrophysique ou la mécanique quantique, il s'agit essentiellement d'application technologiques, c'est un travail de fourmi laborieux de mises bout à bout d'ensemble de réaction (ceci dit l'astronomie aussi est plutôt laborieuse, comme en témoigne l'expression concernant les calculs, non:).
    Mais la VRAIE raison, celle qui fait que je n'ai JAMAIS réussi à faire ce que tu décris au début (comprendre comment ça fonctionne et pas apprendre toutes les réactions par coeur, est contenue dans cette phrase, je te cites :

    "Cet oxygène, est, comme toujours, avide d'électron, et récupère en grande partie les électrons de la liaison avec le carbone. Il est donc super riche en électron, et ceux-ci se sentant un peu à l'étroit, vont attaquer un autre atome, qui est beaucoup plus pauvre : le carbone relié à un atome d'iode de l'autre molécule !"

    Je te résumes ce que j'en comprends: l'oxygène est super avide d'électrons, c'est pour ça qu'il en cède au carbone de l'autre molécule".
    Et voilà la catastrophe cognitive...Ben quoi, il en veut ou il en donne??? Faudrait savoir! :)
    Alors bien sûr, j'arrive à comprendre, au fond, le déroulement de l'histoire: il attire beaucoup d'électrons, tellement qu'ils s'entassent et finissent par se repousser, mais quand même, quand même...ça n'a jamais vraiment percuté au point que ce raisonnement devienne naturel...Je te jures que j'ai essayé, j'ai VRAIMENT essayé, c'est LA matière que j'ai le plus bossé en DEUG et en licence, celle où je n'ai jamais fait péter une heure de cours, et ça n'a jamais marché...alors j'ai abandonné, j'avoue.
    Mais tout n'est pas trop tard!! Peut-être tu es l'Elu, mon sauveur!

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  7. @Alex : tu as mis le doigt sur un problème sur lequel on s'assoit facilement : alors cet oxygène, il se les garde ou pas, ces électrons ?
    Pour voir les choses sous un autre angle, on peut se dire que les atomes ont (ou pas) des électrons plus ou moins disponibles. Tous les atomes qui possèdent des doublets non liants ont des électrons disponibles, susceptibles de créer des liaisons avec d'autres atomes si ceux-là sont "suffisamment" pauvres. L'histoire de la liaison polarisée sert alors à expliquer la richesse ou non des atomes...
    En espérant que cela t'éclaire, et que cela montre que la réactivité des atomes n'est pas le règne de l'arbitraire le plus total...

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  8. Vas y continue ! Rien qu'avec le rappel des bases de ce billet-ci, je vais deja me coucher moins bête !

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